Préface de Monseigneur Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran
J’ai connu Virginie bien avant qu’elle soit Frigide. C’était sur les bancs de l’université de Lyon III et aussi, déjà, dans des combats d’étudiants. Peu de choses en apparence pouvait nous rapprocher sinon peut-être la marque d’une foi chevillée au corps qu’auraient pu masquer tant le vernis d’une éducation bourgeoise que les bruits de la fête. Ou plutôt cet engagement propre aux personnes qui brûlent d’un feu que peine à nourrir les aspirations légitimes d’une destinée paisible et normale. Déjà Virginie était Barjot. Déjà, elle était infiniment plus que cela.
Une trentaine d’années plus tard, chacun de nous ayant pris des chemins de traverse, je découvre Virginie égérie de l’opposition au projet de loi dit du « mariage pour tous ». C’était bien elle, portée à incandescence. Je suis témoin de cette mobilisation sans précédents récents dans une France que l’on dit individualiste, en perte de repères et d’idéal. Puis, de loin, j’ai eu les échos de son éviction du mouvement qu’elle avait lancé, comme on brûle ce que l’on a adoré.
Il faudra encore un peu de temps pour que, finalement, nous nous rencontrions. Le temps ayant balayé chez l’un comme chez l’autre l’indétermination de la jeunesse, la rencontre fut belle et vraie.
Virginie est engagée sur le terrain de la politique politicienne française et ce terrain n’est pas mon terrain, dans un combat qui n’est pas mon combat. Loin de moi aussi la prétention de tout comprendre des heurts, bonheurs et malheurs de Virginie, et ils sont importants. Mais, même si pour moi l’union entre deux personnes de même sexes est sans lien avec le mariage d’un homme et d’une femme, cadre naturel de la procréation, je trouve néanmoins courageux sa position qui consiste à s’opposer à toute instrumentalisation de l’enfant tout en réfléchissant à une alternative à la loi qu’elle combat par la proposition d’une union civile, différente du mariage, pour les personnes homosexuelles.
Par nature, j’adhère à cette posture qui refuse la logique trop binaire des « camps », des blocs identitaires. J’en sais un peu le coût, et Virginie en paye le prix fort, car elle fait courir le risque d’être incompris et maltraité par les uns et par les autres. Mais existe-t-il une vérité qui ne soit pas à ce prix? Et la recherche de la vérité n’a pas de prix.
La posture de Virginie, dans le combat qui est le sien, n’est pas sans écho dans les débats qui occupent l’Eglise aujourd’hui. De façon quasi unanime les pasteurs de l’Eglise catholique ne sont pas prêts à voir remis en cause le fait que le mariage, cadre naturel de la procréation, est l’union d’un homme et d’une femme. Et c’est heureux. De façon quasi unanime, ils sont opposés à toute forme d’instrumentalisation de l’enfant par le recours à la GPA ou à la PMA au sein de couples homosexuels. En matière d’adoption, René Poujol place, dans ce livre, la limite de l’inacceptable dans la conception en vue de l’adoption. Dont acte.
Pour autant, l’Eglise est-elle sûre d’être quitte de sa mission pastorale si elle se contente de renvoyer les personnes homosexuelles à la chasteté comme unique voie de salut ? Sur ce point les avis sont plus nuancés. Pour certains, la question ne peut même pas être posée. Pour d’autres, elle ne peut pas être évitée.
Dès lors, par sa proposition d’union civile non procréative, Frigide Barjot s’est-elle placée en dehors de l’Eglise ou, au contraire, a-t-elle mis le doigt sur un de ses points les plus sensibles ?
+ fr. Jean-Paul Vesco op, évêque d’Oran