Frigide Barjot : « J’invite les Français à se retrouver le 17 novembre » | Le Point, 12 septembre 2013
INTERVIEW – L’ex-leader de la Manif pour tous appelle au rassemblement et annonce son programme d’action pour la réforme de la loi sur le mariage gay.
À la veille de l’université d’été organisée par la Manif pour tous en région parisienne et à laquelle elle n’est pas conviée, Frigide Barjot dénonce la radicalisation d’un mouvement dont elle se dit désormais « exclue ». Elle demande aux organisateurs actuels, notamment la présidente Ludovine de la Rochère, d’organiser un débat pour proposer aux sympathisants de soutenir une réforme de la loi Taubira fondée sur l’union civile.
Pourquoi ne faites-vous plus partie de la Manif pour tous ?
Parce que j'en ai été virée. Le temps de la manif était le temps de la contestation de rue contre le projet de loi Taubira. Mais la loi a été votée le 23 avril, et dès lors, on ne pouvait plus faire comme si de rien n'était, il fallait sortir de la revendication du retrait sec ! Le 26 mai, je n'ai pas pu venir parce que la « nouvelle » direction de fait m'avait interdit d'y annoncer son abrogation sélective avec proposition d'union civile. Des menaces anonymes m'empêchaient aussi. Quand, en tant que leader naturel et porte-parole principal, on est empêché de parler, on est exclu, quand on est exclu, on est viré, de fait.
Vous avez donc créé votre mouvement, l'Avenir pour tous
Ce n'est pas « mon » mouvement ! C'est le mouvement originel de la Manif pour tous, sa continuation cohérente et réaliste. On dit que j'ai retourné ma veste, mais en réalité il était convenu depuis fort longtemps, avec les organisateurs, que les mots d'ordre sur la loi évolueraient après le vote. J'ai été très claire avec tout le monde. Dès novembre, je leur ai demandé où ils en étaient sur le statut du couple homosexuel et dès le début j'ai proposé qu'on défende plus haut l'union civile, ce qui n'a été explicitement refusé que par l'un d'entre eux. On m'a seulement demandé d'attendre le vote de la loi. Ce sont les dirigeants actuels de LMPT qui ont viré leur veste le 23 avril, et qui refusent tous de suivre la voie d'origine, qui incluait déjà l'union civile.
La Manif pour tous demandait le retrait de la loi Taubira, elle demande aujourd'hui son abrogation : n'est-ce pas cohérent ?
L'abrogation sans annonce du maintien des droits d'union est impossible à porter médiatiquement donc politiquement. Car les Français n'ont pas manifesté contre le principe d'union des couples homosexuels mais parce que la loi Taubira, en ouvrant le mariage, fait disparaître la filiation humaine. Un sondage Ifop montre qu'en mai 2013, 54% de la population préférait une union civile sans filiation plutôt qu'un mariage selon la loi Taubira (36%). Lors des manifs, nous demandions au gouvernement de retirer son projet de loi pour le soumettre par referendum en tenant compte de la majorité des Français. Il nous a ignorés. Ce n'est pas maintenant que la loi est appliquée que le président va la retirer ! Demander l'abrogation pure et simple est donc contre-productif pour restaurer le mariage homme-femme. La loi a ouvert les droits d'union, il faut les conserver et abroger ceux de la filiation non biologique des enfants.
C'est le but de L'Avenir pour tous ?
Notre but est que cette loi, qui introduit un changement anthropologique majeur soit réformée au plus vite. L'Avenir pour tous défend un projet de constitutionnalisation du mariage homme-femme, fondement de la filiation humaine, par voie référendaire. Il faudrait qu'un débat soit organisé au sein de la Manif pour tous pour faire se prononcer les militants sur cette proposition. Or, nous ne sommes même pas invités à leur université d'été ! À quoi sert une université si elle ne permet pas la discussion ? Nombre de sympathisants la souhaitent ce week-end, et nous aussi. Si c'est exclu, il faudra y voir une radicalisation par des gens qui font passer le dogme avant l'homme et souhaitent, sur cette base idéologique, muter en parti fermé. La Manif pour tous version 2 n'est plus « pour tous » et si elle reste sur sa ligne actuelle, elle risque de faire grossir l'ultra-droite et, à terme, le Front national.
Avez-vous l'intention de monter une liste aux prochaines élections ? Ou de rejoindre celle que veulent créer Christine Boutin et Béatrice Bourges, ancienne de la Manif pour tous, aux Européennes?
Non. On ne va pas kidnapper les manifestants qui sont apolitiques et non confessionnels dans une sorte de nouveau parti catholique. En revanche, l'Avenir pour tous ira rencontrer les candidats à toutes les échéances électorales et leur proposera une charte « poléthique ». Nous appellerons à voter pour eux en fonction de la prise en compte de cette réforme de la loi Taubira. S'ils ne l'inscrivent pas dans leur profession de foi, ils perdront des voix qui iront confirmer les sondages déjà élevés du FN.
Que pensez-vous des Veilleurs ?
Si leur finalité est d'approfondir la réflexion et le dialogue social tout en soutenant la sauvegarde du mariage, de la filiation et des droits des homos, ils sont formidablement précieux pour maintenir la flamme. Mais une grande partie d'entre eux sont contre l'union civile, et comme il n'y a ni chef ni mot d'ordre officiel, sans doute ne veillent-ils pas tous pour la même chose. Je demande aux Veilleurs de veiller à ne pas se laisser abuser sur combats dissidents qui ne soient pas vraiment pour tous.
Que reste-t-il aujourd'hui de la Manif pour tous ?
Ce mouvement, unique par son ampleur, a permis d'empêcher que la PMA et la GPA ne soient introduites dans la loi Taubira. On a gagné du temps. Notre but est de faire en sorte que cela n'arrive jamais. Mais la division nous ronge. J'appelle à l'unité sur cette base minimum de poursuite efficace du combat : pour la réforme de la Loi Taubira par la mention du mariage dans la Constitution et contre l'homophobie. J'invite tous les Français qui se reconnaissent dans cette voie, celle d'il y a un an, à se retrouver le 17 novembre prochain pour l'anniversaire de la première manif vraiment pour tous.